jeudi 31 mai 2007

Vouloir se savoir

Suite aux stimulants échanges qu'on a eus sur la psychanalyse, me voilà avec un nouveau post sur le sujet. J'ai eu envie de citer encore Pierre Rey dans "Une saison chez Lacan", (p.185-186) sur la question du moment adéquat pour commencer une analyse.

"Depuis que Freud l'a inventée, on a longuement palabré sur l'âge idéal pour entreprendre une analyse: toujours et tout de suite, sitôt que la souffrance et le désir en commandent l'urgence. La perspective de mourir moins idiot, à elle seule, devrait faire table rase de toute hésitation.
A une réserve près: il existe un danger. Lorsqu'elle est menée à terme l'analyse confronte chacun à son désir - c'est précisément parce qu'il est dévoilé qu'on saura que son issue a été heureuse. "Heureuse" ne signifie nullement l'avènement d'un nirvana où seraient aplanies soudain les difficultés de la vie et atteinte une zone hors turbulences où tout prendrait la saveur fade du paradis."

(Photo: Bruxelles)

mercredi 30 mai 2007

Nomade toujours

C'est étrange comment je suis heureuse en randonnée. Que ce soit à pied ou en vélo, la vie est parfaite quand pas après pas, je poursuis mon chemin. La pluie, le froid, le vent ou la chaleur n'y changent rien. Deux heures après le départ je suis libre de tout, il n'existe plus que la nature, l'effort, le moment présent.
De retour en Belgique, j'espère conserver un peu de cet esprit et garder :
  • une certaine capacité de lâcher prise par rapport aux impératifs du travail. Dans la vie quotidienne, mon travail gonfle jusqu'à devenir le pôle autour duquel tout est en orbite. Serais-je capable de relativiser l'importance de ce que je fais tout en continuant de le faire honnêtement? Là, j'ai rencontré des gens qui vivent dans une optique de décroissance et de limitation de la consommation, cultivant leur jardin et construisant eux mêmes leur maison. C'est rafraîchissant. Quelle force d'être capable de dire non à l'impératif "travailler plus pour consommer plus"!
  • la patience que j'ai en attaquant une côte. En entamant une montée, je sais que j'y arriverai et je pédale jusqu'à ce que j'y suis, c'est tout. Pas de doutes, pas de drame, j'avance et donc je suis.
  • la chaleur de l'accueil de nos amis, et des amis de nos amis.
  • pleins de souvenirs heureux: un joyeux repas d'anniversaire, des descentes où l'on crie, la rencontre périlleuse avec des lamas au fin fond de l'Allier, des petits-déjeuners de rêve...
(Photo: par Luc, Condroz namurois 2003)

jeudi 24 mai 2007

Pause

Cinq heures et demi dans les transports en commun aujourd'hui et 20 minutes de vélo. Je suis allée à Bruxelles, à un Congrès. Je rentre vidée, un peu remplie aussi, mais la tête est pâteuse et la santé incertaine.

Là j'ai un petit sac à faire pour le weekend rando-vélo en France. Demain je retourne à mon Congrès en espérant de trouver l'idée géniale qui va faire de ma thèse un bestseller, et de moi un grand Nom comme ceux que j'y rencontre (j'adore rencontrer les gens dont j'ai lu les livres, pour moi c'est plus glamour que la Croisette).

Et puis, demain soir commencera la pause que je n'arrive pas à prendre quand je reste là, 4 jours loin de tout. Je me dis qu'uniquement une grossesse est pire quant à l'impossibilité de lâcher.

Mais là tout de suite, une petite tisane dans le jardin avec l'Homme et les chats.
Bon weekend!

(Photo par Yan. Je rêve d'un moment comme ça, plein sans rien faire)

lundi 21 mai 2007

Racontez-moi...

...comment ça s'est fait que vous êtes venu en Europe?

J'adore ce moment où j'invite mon interlocuteur à raconter son histoire, et où je m'éclipse pour le laisser parler. C'est un travail de rêve: recueillir les histoires que fabriquent les autres à partir de leurs vies.

A y regarder de plus près, c'est d'abord de l'ordre du travail avant d'être de l'ordre du rêve. Il ne suffit pas d'être sincèrement intéressé et de se laisser porter par l'histoire, on n'est pas au cinéma. Les émotions du chercheur sont souvent signes d'empathie, et peuvent être utiles dans la recherche. Mais lorsque l'empathie cède à la fascination, à ce mélange bizarre entre intérêt excessif et distanciation qui nie la réalité de l'autre, il faut s'interroger. L'art de l'entretien narratif consiste à être présent et éveillé dans son écoute, de soutenir le récit par des relances, de le limiter lorsqu'il s'égare, de le contenir quand il se fait débordant d'émotion.

Et puis le bon chercheur, quoique humainement impliqué, n'oublie pas ses questions de recherche qui guident son écoute et ses questions. Il reste en lien avec la théorie.

C'est très simple et très compliqué en même temps, ce genre d'entretien. Comme les entretiens cliniques par ailleurs... Longtemps je me suis sentie mal à l'aise en tant que chercheuse, car j'avais l'impression d'être intrusive, de voler quelque chose à l'autre. Pour éviter cela, j'ai cette année encore davantage formalisé le moment d'information et la demande du consentement de l'autre.

(Photo: pirogues au Sénégal. Les Africains que je rencontre ne sont pas venus en Europe en pirogue, contrairement à ce que pourrait laisser sous-entendre cette image.)

dimanche 20 mai 2007

Dimanche à Liège

Je voulais une écriture proche du quotidien, mais là, les mots ne suivent pas. Le quotidien m'échappe ces jours-ci, il est trop rapide et trop dense pour le suivre en mots et en images.

Heureusement que le dimanche existe, cette île dans les flots d'activités, à laquelle je m'agrippe aujourd'hui enrhumée et solitaire.

(Photo: Le célèbre marché de Labatte quai St. Léonard)

lundi 14 mai 2007

Une bouteille à la mer

C'est quand même un drôle de truc, un blog.

Pourquoi on fait ça? Qu'est-ce qu'on en attend? N'est-ce pas un truc surtout narcissique? Et la pudeur là-dedans?

Oui. Bonnes questions. J'ai quelques éléments de réponse, pour moi.
  • Plaisir d'écrire d'abord. Pas un roman, pas des poèmes, mais développer une écriture au plus proche du quotidien. A côté du style académique durement acquis, ça change. Et oui, je suis d'accord, l'écriture a toujours un côté narcissique.
  • J'aime tous ces blogs qui sont finalement autant de tentatives de sublimer le quotidien, d'y réfléchir, d'y accorder une attention d'une autre qualité, portée par la présence d'une plume. C'est créer au-delà du texte une autre dimension du quotidien.
  • Envie de communiquer aussi. Partager des moments, des idées, des pensées dans un monde mobile et élargi où l'on ne rencontre ses amis pas tous les jours au coin d'une rue. Quant à la pudeur...je sais ce que j'écris, je sais ce que je tais. Ceci n'est pas un journal intime, c'est destiné à être lu. Mais c'est vrai que ce n'est pas évident, car la qualité d'un blog est aussi liée à l'honnêteté de son auteur, et ma sincérité n'est pas sans garde-fou.
  • Envie de montrer ces photos qui sombrent dans une boîte à chaussures. Leur donner une deuxième vie, et me redonner envie d'en faire de nouvelles.
(Photo: Hiddensee)

vendredi 11 mai 2007

Cette fois-ci, c'est vraiment vrai, je suis lancée!

Voilà. Le premier avril j'avais annoncé ici le début de ma recherche de terrain. Ce n'est que hier que j'ai enfin rencontré les premières personnes. Décidément, il y a un truc avec cette date; elle a tourné en dérision mes intentions qui étaient tout à fait sérieuses, je vous l'assure.

Donc me voilà en contact avec l'humain. Mes théories, jusqu'à mon hypothèse centrale s'en ressentent, tout de suite écrasées par la complexité des rencontres. Des doutes m'assaillent concernant la pertinence de mon hypothèse de recherche... De toute façon c'est trop tard, je continuerai, en faisant de mon mieux. C'est ça, l'aventure humaine.

(Photo: Maroc, le désert me fait quelque chose...)

mardi 8 mai 2007

Les leçons du chat

Qu'elle est belle notre panthère de salon qui s'aventure entre les pots d'épices du jardin! J'adore quand sa petite tête apparaît quelque part, et qu'on voit uniquement des yeux dans une silhouette noire de chat. Mais quels yeux! Ce n'est pas étonnant qu'on tuait les chats noirs au Moyen-Age parce qu'on leur attribuait une complicité avec le diable...

Les chats m'étonnent concernant leur réceptivité par rapport à la voix humaine (j'adore quand ils nous répondent) ; ils me surprennent lorsqu'ils se transforment d'un moment à l'autre de gentille peluche en chasseur impitoyable ; ils m'émerveillent par la douceur et la propreté de leur poil ; ils m'épatent par leur agilité et leur grâce ; enfin, ils me touchent par la sociabilité qu'ils peuvent montrer par rapport à l'homme (
être attendu et suivi dans la maison par ces petits monstres est fort agréable). Mais surtout, leur savoir-être est énorme ; le ronronnement en dit long...

lundi 7 mai 2007

Un bon vieux remède

Parfois je ne me sens pas du tout marathonienne, mais plutôt hamster. Les deux courent, mais le deuxième n'avance pas d'un pouce.

La semaine passée j'étais justement entrée dans une phase rongeur, avec une certaine lassitude, une usure qui commençait à peser. Heureusement que le weekend est arrivé. J'étais du coup partie pour un weekend repos, repli, ressourcement (les 3 RE).

Et puis samedi soir, je me souviens tout à coup qu'à côté des trois Re, la distraction, le divertissement et l'amusement peuvent également faire des merveilles pour le moral. Donc grosse fête bien sympa, j'ai dansé jusqu'à me fouler la cheville (non ce n'est pas une métaphore pour une fois). Et j'ai redansé encore après, c'est le lendemain que ça a fait très mal (le pied surtout, mais pas uniquement).


J'ai toujours beaucoup aimé la formule anglaise: "Work hard, party hard!" Enfin, surtout pour la deuxième partie... Je ne voudrais pas être soupçonnée de faire partie de ceux qui pensent que le travail n'est pas assez valorisé dans notre société, et qui voteraient en conséquence.

Remarquez qu'avec une cheville foulée, je ne serai plus marathonienne, ni hamster dans sa roue.

mercredi 2 mai 2007

L'abstraction

"Qu'est-ce que t'as fait de ta journée?"

Lorsque l'on me pose cette question après une journée de travail intellectuel dans l'abstraction des idées (Foucault, Barthes, Benveniste au menu ces jours-ci), je lève le regard comme après un long songe. "Bonne question. Qu'ai-je fait aujourd'hui?"

Je me suis promenée dans un paysage en noir et blanc, fait de mots imprimés sur papier... De quoi parlaient ces mots? De mots je crois, d'énoncés et de langage. Alors que le roman fait naître des mots un monde souvent inoubliable, les écrits théoriques construisent des édifices d'idées qui sombrent dans le brouillard aussitôt que le livre se referme.

Au plus tard le soir, après un verre de vin, l'abstraction n'est plus qu'une surface raide sur laquelle je glisse vers des expériences plus sensuelles. L'abstraction de mon travail me donne en effet le soir envie de passe-temps plus concrets, plus nourrissant pour mes sens délaissés.

  • boire du vin rouge (justement)
  • mettre de la belle musique, bien forte
  • cusiner un repas de fête en goûtant à toutes les étapes
  • courir, transpirer, étirer
  • discuter et rire, embrasser et toucher
  • jouer avec les chats

Non, ça ne me donne pas envie de repeindre des murs ou de travailler le bois, de me reconvertir en travailleuse manuelle (tant mieux pour l'humanité qui courrait un certain péril...). Demain je serai bien contente de reprendre mon chemin solitaire et irréel dans les sphères de l'abstraction...

(Photo: Vue de ma chambre rue du Bausset à Paris)